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CARNETS
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New Haven, Boston - 1er juillet 2003
Juin
se meurt, juillet fleurit. Le train quitte la petite gare de New Haven, nous sommes
en route pour de nouveaux imprévus, en poursuivant notre avancée sur la côte est
de Etats-Unis. Dans le wagon, l'air conditionné souffle à plein poumon. Qu'il
fait froid ! Derrière la vitre, l'été étale ses fastes, dégoulinant de chaleur.
De plages de sable en touristes dénudés. Devant la vitre, mes doigts gèlent, puis
c'est le bout du nez.
3 heures plus tard, nous entrons enfin en gare de Boston. Je suis brûlante de fièvre,
mais aucun relâchement n'est autorisé. Il faut traîner cette énorme valise, la
caméra, l'ordinateur portable dans cette ville inconnue. Nous ne savons pas encore
où nous dormirons cette nuit. En longeant les nombreux parcs du centre-ville,
je me dis que ce sera peut-être là, entre deux homeless.
Boston l'historique. En pleins préparatifs du 4 juillet. Trouver une
chambre libre paraît, à ce moment-là, insurmontable. Après des
heures d'errance, nous trouvons enfin un lieu d'accès à Internet,
au rez de la bibliothèque municipale. De là, nous aurons de meilleurs
tarifs et un plus vaste choix qu'en optant pour le porte-à-porte.
Un quart d'heure gratuit. L'attente paraît longue. Nous nous asseyons, à côté d'un jeune
homme de couleur, qui fait parfaitement couleur locale. Nous échangeons quelques
mots en anglais, avant de nous apercevoir qu'il parle lui aussi français, débarqué
il y a 3 ans du Nord de la France, pour des raisons professionnelles. Après San
Francisco, il vient de poser sa valise à Boston, et ça ne lui plaît pas : les
filles obèses qui portent plainte contre les fast-foods, les touristes, la superficialité
des gens … A défaut de mieux, ce sera notre curieuse première approche de Boston.
C'est enfin à nous. Un quart d'heure pour trouver cinq nuits dans un hôtel, chacune
à moins de 70 dollars. C'est notre défi. Les nerfs sont déjà à fleur de peau et
le ton commence monte. Mathieu va trop vite - je n'arrive pas à lire - de toutes
façons, on n'a pas le temps de détailler…. Nous sommes au crépuscule d'une crise
sans précédent. La première de notre voyage.
Le temps est échu, l'hôtel est réservé. Fulminants, nous quittons ce bâtiment trop
grand, chacun de notre côté, ou presque… Monologues, accusations, incompréhension
… jusqu'à cette petite terrasse, au décor incroyable. Une église de vieilles pierres
qui se reflète dans les buildings de verre. Tout Boston au coin de la rue. Nous
nous y arrêtons et analysons. C'était inévitable. Trop de stress, trop de tensions,
trop d'imprévus … ça devait arriver. Et ça devrait surtout ne plus se reproduire.
Parler, se comprendre, se respecter, se soutenir. Devant la petite église de pierres,
nous reprenons ses engagements mutuels et respirons un grand coup. Le soleil commence
à décliner, il faut maintenant trouver cet hôtel et dormir… surtout dormir.
VENDREDI
4 JUILLET 2003
Le
hall ressemble à un palais : clinquant de lustres, baigné d'une douce lumière
or, saupoudré ci et là de meubles de style. Comme prévu, tous les établissements
sont pris d'assaut par les touristes. Nous renonçons alors à notre grand lit et
dormons chacun dans le nôtre, plus petit, on dirait une chambre d'enfants. Ce
soir, la ville fête l'anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis, dans son
fief historique. La fête s'annonce démesurée, bien sûr.
Dans les parcs, les touristes de passage croisent les habitants. Un homme, déambulant
pieds nus, fume de la marijuana. Il croise un policier, à cheval, pour le plus
grand plaisir des petits (et le mien !). Boston paraît différente, ouverte, cultivée.
Dans les très beaux quartiers résidentiels, nous voyons nos premiers drapeaux
" Pace " accrochés au balcon. Non à la guerre, oui à l'herbe, oui aux homosexuels
aussi. Une ville arc-en-ciel, à l'extrémité nord des Etats-Unis, sans doute fortement
influencée par la frontière canadienne toute proche.
Mais la plupart des Américains n'aime pas les Canadiens, et la plupart des Canadiens
n'aime pas les Américains. Nous nous en sommes aperçus hier soir, en tombant par
hasard sur une émission de la réputée très sérieuse MSNBC. Joe Scarborough, qui
s'affiche ultra conservateur, y faisait son show. Comme chaque jour, sans doute.
Ce soir-là, il s'offusquait de la nomination de Vancouver, pour l'organisation
des Jeux olympiques d'hiver de 2000 et des poussières…
- Oh Canada ! Un pays qui distribue gratuitement de l'héroïne à ses drogués ? Un
pays qui autorise les mariages homosexuels ? Un pays qui ne respecte pas les pertes
de nos soldats américains en Irak. Oh Canada !
Deux invités (des hommes, conservatisme oblige !) échangeaient leurs points de vue.
Un Américain et un Canadien. Et le présentateur, acerbe, qui agrémentait le débat
de ses idées, cons…ervatrices, toujours ! Le Canadien était le fou du roi, celui
duquel on se moque, juste là pour appuyer les propos des deux autres. Il se défendait
bien, le bougre ! Mais avait si peu de temps pour le faire. Entre information
et divertissement, l'émission est repassée en boucle une fois, deux fois, peut-être
plus ce soir-là. Sacrée leçon sociologique. Oh Canada ! Oh Etats-Unis !
Boston
ouverte, cultivée ? Mais au détour de certains quartiers, devant certains commerces,
tellement fermée, Scarborough-ienne. C'est étonnamment là que nous croisons notre
premier (et seul) signe de francophobie. Et quel signe : un T-shirt estampillé
de ces quelques lettres :
- France sucks
Intrigués, nous entrons dans le magasin. C'est une vieille femme qui tient l'échoppe. Je
l'apostrophe :
- Ce genre de T-shirts, ça se vend bien ?
- Non.
- Alors pourquoi est-il là ?
Elle entend sans doute l'accent français et devine mes pensées. Elle nous fait signe
de partir. Discussion close. Je lâche encore un enjoué :
- Really nice to meet you !
C'est tout. Boston, drôle de ville, baignée de paradoxes.
Le soleil décline et le ciel se pare de pastels. Orange, jaune et rose. A l'aube
d'un 4 juillet 2003 extraordinaire, sous très haute sécurité, évidemment. Les
hélicoptères tournoient dans un bruit assourdissant, les rives sont assaillies
de policiers à motos, en voitures, à cheval, à pieds. Même les militaires sont
réquisitionnés. Peu importe, les touristes sont au rendez-vous. Certains semblent
attendre depuis le matin, confortablement installés dans des chaises pliantes.
Ils ont dépoussiéré leur costume patriotique. Chapeau de l'oncle Sam, T-shirt
"God bless the United States of America", chaussures, diadèmes, ballons. La foule
se décline en blanc, rouge et bleu : le spectacle peut commencer. Nous entendons
au loin l'orchestre philharmonique entonner de la musique tantôt classique, tantôt
patriotique. Il est 19h00, les feux d'artifice ne commenceront pas avant 22h00.
3 heures d'attente pour être sûrs de voir les feux d'artifice, qui s'annoncent
blanc, rouge et bleu, démesurés. La soirée sera longue.
22h00, enfin. L'hymne national américain nous rappelle que l'heure est proche. Une première
fusée décolle et explose au-dessus de nos têtes.
Bleu, blanc, rouge...évidemment. Ne croyez pas à des regrets, il s'agit
bien de la bannière étoilée, l' "American
flag", auquel personne n'échappe, même en pirotechnie futile.
C'est parti pour une demi-heure de pure folie. Aucun répit, aucune respiration;
ça pête de toutes parts...Ce n'est pas particulièrement beau,
mais ça impressionne et c'est visiblement la finalité de la manoeuvre.
A chaque départ de fusée, Mathieu me regarde, et on compte les coûts,
en pensant, un peu amer, aux centaines de clochards qui errent, ce soir encore,
dans les rues de Boston.
Le bouquet final atteint le paroxysme du n'importe quoi. Il y a tellement d'exposion
simultanées que le ciel s'immerge dans une épaisse fumée
noire. On ne voit même plus les feux qui tentent d'éclairer nos yeux.
Juste le bruit On dirait un soir de bombardement sur Bagdad. Le public jubile
et embraye des "Oh" et des "Ah"... Il ne voit rien, mais ça
doit sûrement être spectaculaire. La cantatrice entonne les dernières
notes de l'hymne national américain, ça vibre... c'est la fin; une
demi-heure de show : tout le monde se lève et rentre. Nous nous retrouvons
dans la foule dense des 4 juilletistes, qui vont maintenant enclencher les barbecue.
Une fête nationale d'après 11 septembre classique, à la gloire
du pays et de ses valeureux habitants. Nous rentrons nous coucher.
SAMEDI 5 JUILLET 2003
La routine du voyage s'installe un peu : regrouper le matériel, tenter de
fermer la valise, faire le tour de la chambre pour vérifier que rien n'a
été oublié, un dernier coup d'oeil à la salle de bain
et le check-out. Drôle de sensation, nous laissons un peu de chez nous dans
chacun de ces hôtels, pour pallier notre petit nid, là-bas, très
loin, en Suisse.
Direction
l'aéroport de Boston, à l'agence de location de voitures. Nous nous
engouffrons dans le petit metro, assaillis de touristes, qui ne parcourent que
100m pour rejoindre l'aquarium. Surtout ne pas marcher... Dieu que les vacancies
sont fainéants !
Midi
30, nous sommes au volant de notre petite voiture grise, on se sent libres, parcourant
des larges Interstates, au gré des péages et des restoroutes. Prochaine
étape: Les chutes du Niagara, qui nous permetterons ensuite de rejoindre
le Canada.
Nous
nous arrêtons à mi-chemin, dans un motel perdu au trou-du-cul du
monde. Weedsport, pardon ! Et sa Main Street, ponctuées de fast-food, de
stations service et de motels, tous plus onéreux les uns que les autres
: sur la route de Niagara Falls; c'est un marché.
Nous
dînons ce soir chez le roi du Roast beef, une chaîne de restauration
rapide qui l'apprête à toutes les sauces : de la salade à
l'imanquable hamburger, sans oublier le sandwich au rostbeef, les croquettes au
roastbeef : de la haute gastronomie. Avant de nous coucher, nous nous laissons
encore tenter par un gigantesque chausson aux pommes : trop sucré, trop
grand, trop artificiel ; on ne change pas une équipe qui gagne !
22h,
les paupières sont lourdes et le lendemain s'annonce chargé. Nous
nous endormons devant le canal régional de la Fox : des morts par balles
au centre du village, un cadavre retrouvé en zone résidentielle,
des chiots jetés d'une voitures sur l'autoroute... une journée ordinaire
au trou-du-cul du monde.
Lire la suite : Voyage à aux Chutes du Niagara
Carnets de voyage :
New York, les pompiers de Manhattan / New Haven Connecticut / Boston, le 4 juillet / Niagara Falls, Canada / Toronto, Canada / Voyage à Montréal / San Francisco Oakland / Death Valley, Furnace Creek, Baker et Shoshone / Voyage à Las Vegas / Rhyolite: ville fantôme / Papeete, Tahiti / Moorea, Polynésie / Voyage à Auckland, Nouvelle-Zélande
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