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Montréal, San Francisco - 21 juillet 2003
7h30, dans le terminal Greyhound de Montréal. Nous nous engouffrons
dans ce bus, qui nous relâche huit heures plus tard, à l'aéroport
de Boston. Eprouvante descente de la côte est, qui s'enchaîne
sur une longue traversée des Etats-Unis, en avion, heureusement.
Départ de Boston. Escale d'une demi-heure à Las Vegas. Arrivée
dans la nuit à San Francisco.
Rituel : une dernière cigarette devant
l'entrée, avant de rejoindre notre terminal, non fumeur bien sûr.
Il
y a des jours comme ça où le sort semble s'acharner sur vous. Tout commence devant
le guichet d'embarquement :
- Mesdames, Messieurs. En raison d'une violente
tempête sévissant sur le centre des Etats-Unis, le vol est reporté.
Nous ne savons pas si il pourra s'effectuer cette nuit encore.
Celles et ceux qui souhaitent dormir à Boston sont libres de le
faire, mais la compagnie ne remboursera pas les nuits d'hôtels,
puisqu'elle n'est pas responsable des conditions météorologiques.
Un premier groupe de passagers quitte
immédiatement le terminal, tandis qu'une autre s'agglutine devant le guichet.
Nous en faisons partie :
- Nous avons une correspondance à
Las Vegas pour San Francisco. Pensez-vous que le deuxième avion attendra ?
- Je ne peux vous donner aucune garantie. Mais
à mon avis, attendez le vol pour Las Vegas, vous aurez plus de
chance de trouver une chambre d'hôtel là-bas qu'à Boston.
Longue nuit d'incertitude en perspective. L'attente
se poursuit au son des téléviseurs suspendus dans la salle d'attente. " CNN, the
most trusted name in News " asséné toutes les 20 secondes. Nous pouvons sortir
fumer une cigarette, mais devons repasser tous les contrôles d'usage pour regagner
le terminal d'embarquement.
3 heures plus tard, enfin. Le
vol est prêt à l'embarquement. Lorsque nous survolons le centre du pays, nous
ressentons la tempête, qui n'a visiblement que baissé d'intensité entre temps.
L'avion est sévèrement secoué. A ma droite, Mathieu dort. A ma gauche, un jeune
Juif, coiffé de sa calotte, prie son Dieu. Au milieu, moi, je prie mon Dieu.
6
heures plus tard, les lumières de Las Vegas se profilent à l'horizon. Au sol,
une femme attend les passagers en transit, afin de les rassurer :
-
Le vol pour San Francisco ? Il vous attend. Vous n'avez pas besoin de courir.
Nous
nous arrêtons donc dans une petite salle fumeurs et observons le spectacle qui
se déroule devant nous. Des machines à sous partout, clignotant de mille feux.
Et de pauvres âmes errantes, cherchant à dépenser leurs derniers dollars. Dans
le fumoir, un vieil homme ivre est couché à même le sol, aux pieds de sa dame,
qui tire frénétiquement sur une cigarette. De temps à autre, il hurle une phrase
incompréhensible et elle lui demande sèchement de se taire.
Un
avant goût de Sin City, la ville du pêché. Mais pour l'heure, San Francisco nous
attend… et nous donc ! Nous rejoignons pressés, notre dernière salle d'embarquement…
Affligeant ! Des dizaines de personnes dorment sur les bancs. On leur a déjà distribué
couvertures et oreillers. Encore 3 heures d'attente, le temps que le vol de New
York nous rejoigne, lui aussi retardé par la tempête.
A 2
heures du matin, notre avion décolle enfin. A 4 heures de ce même matin, nous
attendons, frigorifiés, notre navette pour l'hôtel. Douze, peut-être quinze degrés.
Nos shorts et nos T-shirts ne sont pas adaptés. Et l'attente recommence. Les bus
Sheraton, Hilton, Sofitel se succèdent. Aucun Travelodge. Leur ballet se répète
inlassablement. Toujours ces mêmes véhicules, jamais le nôtre. Une heure, peut-être
deux plus tard, notre navette s'approche, tel le Messie. La journée a été longue,
la nuit sera courte. Bonjour San Francisco !
MARDI 22 JUILLET
2003
Après le sinistre et fort peu sympathique Travelodge
de l'aéroport, nous prenons nos quartiers dans le centre de San Francisco. A Sutter
Street, sur les pas des pionniers suisses. San Francisco ne se réchauffe pas,
nous non plus. La bise se jette dans les rues transversales et nous déverse ses
quelques maigres degrés en pleine figure.
On avait oublié
à quel point il n'y avait pas de saison ici. Mais quelle saveur de retrouver l'européenne
San Francisco et son quartier homosexuel, sa Haight Street, berceau du Sumer of
Love, ses restaurant iraniens, marocains, algériens, ses kebabs… internationale
San Francisco, aux goûts de menthe fraîche et de tabac à la cerise, aux accents
d'ouverture, au son des manifestations anti-guerre. Un quartier de monde posé
sur la côte ouest des Etats-Unis.
Dés notre arrivée, nous
contactons un collectif de journalistes, écrivains, philosophes, regroupé sous
le nom de la Ruckus
Society. Ils ont édité un jeu de cartes reprenant le graphisme des
cartes du Pentagone, que les GI's ont emmené en Irak. Les warprofiteers, traduisez
les 53 plus importants profiteurs de cette guerre du pétrole. Du 2 de cœur à l'As
de pique : de Dick Cheney à Donald Rumsfeld, en passant par l'incontournable George
W. Bush : le joker. Ou plutôt ici, le jerk : le connard. Amusant et intéressant.
Nous les rencontrons dans leurs locaux, à Oakland. Ils sont sept à manifester
efficacement et pacifiquement contre la politique américaine. Stages de militantisme,
varappe sur les bâtiments publics, mais aussi, mais surtout, ce qu'ils appellent
l'éducation citoyenne. Qui passe par cette action choc.
Tout
a commencé sur leur site Internet. Au début presque une plaisanterie : warprofiteers.com proposait un lot de 500 jeux de cartes. Vite relayé, tout est parti en deux jours.
La Ruckus Society a aussitôt réédité son jeu à 14'000 exemplaires… Bingo ! Les
demandes affluent des Etats-Unis un peu et de l'Europe de l'Ouest beaucoup. Mais
aussi d'Asie et du Proche-Orient, évidemment.
Derrière
son ordinateur, Fern Feto s'active. Elle barre frénétiquement les envois qui sont
partis et ceux qui le seront. C'est son boulot en priorité. Presque un 100%. Derrière
elle, d'autres membres s'adonnent à d'autres activités : ici, un mailing aux sympathisants,
là, la gestion des comptes, là encore, une mise à jour du site Internet.
Les
cartes des warprofiteers, c'est une éducation, une protestation, mais aussi un
jeu : les ériger en château de cartes et souffler, dit la notice … mais aussi,
la bataille, bien sûr : le plus méchant, le plus profiteur gagne. A ce petit jeu-là,
les pics (secteur de l'énergie, dont le pétrole) sont redoutables. Les cœurs sont
les politiciens, les carreaux, ce sotn els gros bonnets de l'industrie, des finance
et des médias et les trèfles, les fabricants d'armes.
Et
on en parle, jusque dans les retranchements les plus militaires. Ainsi, un Colonel
se serait plaint de me représenter " que " le 2 de cœur. Quelle ironie et quel
courage d'oser penser cela et de le dire aux Etats-Unis d'Amérique.
Pour
le plaisir, nous retrouvons ensuite Haight Street, une ville dans le ville, avec
ses vitrines colorées, vestige de la belle époque. Ses anciens bab's qui croisent
les nouveaux punks, qu détour d'un trottoir. Ses bistrots aux salades gigantesques,
aux sandwiches démesurés, où l'on sert le breakfast tout la journée : le temps
s'est arrêté à Haight Street un matin de 1968.
De stands
de camelotes en musiciens de rue, nous regagnons notre bel hôtel, à mille lieues
de là. Pour une dernière nuit au froid, entre le Bay Bridge et la Coït Tower.
Lire la suite : Voyage à la vallée de mort, Californie
Carnets de voyage :
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