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REPDOM
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DE VOYAGES
Playa de Los Indios, la plage déserte des
Indiens
Nous reprenons la route de Samana qui grimpe les collines
et les redescend. A Samana, nous bifurquons à gauche devant
la seule station de guas guas de la région et roulons encore
quelques kilomètres avant de quitter la route principale
- goudronnée et exceptionnellement confortable - pour une
route boueuse qui semble ne mener nulle part.
Lorsque la piste s'arrête, la Jeep de Patrick aussi. Il pousse le lourd
portail qui s'ouvre sur un terrain gigantesque qui se jette
dans la mer. C'est le paradis préservé de cette famille
(re)composée de Patrick, le papa de Jade, 13 ans ; Crici,
la maman de Lolita, 12 ans et " Tonton ", le frère de Cricri.
- On ne voulait pas vivre dans l'animation de Las Terrenas,
au milieu de tous des Français. On recherchait vraiment
la " vie à la dominicaine ".
Cricri nous attend sous une sorte
de belvédère couvert de paréos colorés. Des
sièges confortables sont disposés en cercle,
elle nous accueille chaleureusement. Sous son
opulente chevelure frisée blonde comme le soleil,
elle est belle est gracieuse. Je m'assieds près
d'elle tandis que les filles filent faire leurs
devoirs. Patrick, lui, rejoint les ouvriers
un peu plus loin.
La " Playa Indios " comme ils l'ont appelée
accueillera bientôt quelques bungalows dispersés sur le
grand terrain. Patrick et Cricri se destinent à un tourisme
alternatif et à un accueil familial. Pour fidéliser leur
clientèle, ils ont eu l'idée d'un concept de " packs de
semaines vacances " ; au lieu d'acheter un séjour, on en
achète plusieurs que l'on répartir sur plusieurs années.
C'est un produit innovant qui devrait en particulier séduire
les entreprises.
Cricri et Patrick se sont rencontrés et aimés à Genève en
Suisse, où ils travaillaient tous les deux dans la restauration.
Ce fut le coup de foudre et le grand départ. Lola et Jade
ont suivi et toute la famille a traversé l'Atlantique. La
grande aventure avec les meubles et les deux chiens - dont
un berger des Pyrénées. Ils sont là depuis maintenant 3
mois et tout est encore nouveau.
Ce sont les filles qui ont eu le plus de peine à se mettre
dans le bain. Ces deux ados modernes fréquentaient les grands
collèges genevois et le premier choc fut cette minuscule
école aux allures de cahute de plage. Puis vint l'éloignement.
Les filles préféreraient sans doute vivre à Las Terrenas avec leurs autres camarades de classe, petite ville mais
ville quand même. Parfois, la nature et le silence deviennent
pesants quand on a 12-13 ans. Jade, la cadette, a annoncé
qu'elle ne resterait qu'une année ici ; comme une expérience
mais pas une nouvelle vie. Pour Lolita, c'est différent.
Elle commence à avoir ses repères et n'aime pas beaucoup
le changement, pour elle, ce départ est définitif.
Je rejoins Patrick sur le chantier. Les bungalows prennent
forme ; ils seront vastes, suffisamment pour accueillir
de grandes familles et le terrain ne manque pas de place.
La piscine est en chantier, à quelques pas de la riante
crique encore déserte. Ici, les ouvriers s'activent. Ils
sont une dizaine, tous des voisins dominicains. Patrick
espère en engager plus encore lorsque l'établissement sera
opérationnel.
Il fait déjà presque nuit lorsque Jade et Lolita ont enfin
terminé leurs leçons. Comme en Suisse, Jade allume alors
sa console de jeux et se plonge dans une course de ski sur
les flancs enneigés des Alpes. Etonnant contraste, avec
pour toile de fond un coucher de soleil flamboyant devant
lequel les cocotiers se découpent en ombres chinoises. Lolita
met la musique à fond et se trémousse dans le salon, aussitôt
rejointe par Jade qui délaisse ses Alpes.
A l'heure du repas, Tonton sort de la cuisine avec de belles
côtes de porc aigres-douces au gingembre. C'est l'hiver,
il fait 22 degrés. Cricri grelotte un peu et va chercher
un pull ; c'est vrai que l'on s'habitue vite à la chaleur.
A la lueur des chandelles, les filles dévorent leurs côtes
jusqu'à l'os avant de filer se coucher. Demain comme aujourd'hui,
elles devront se lever avant le soleil pour rejoindre Las
Terrenas.
Sous leurs épaisses moustiquaires, elles révisent une dernière
fois leurs devoirs. Toutes deux partagent la même chambre
; une chambre d'adolescentes avec des posters aux murs et
les photos de celles et ceux qu'elles ont laissé, là-bas
à 8000 kilomètres de leur plage déserte. Il y a aussi ces
phrases manuscrites : " On ne t'oubliera jamais ", " Tu
vas nous manquer ".
Afin d'éviter un nouveau retour périlleux dans la nuit dominicaine,
Cricri et Patrick nous invitent à dormir chez eux. Le lendemain,
à 6 heures, nous les retrouvons devant un petit-déjeuner
rapide avant de repartir pour Las Terrenas. Nous nous quittons
ainsi, en promettant de revenir vite, le plus vite possible,
sur la petite plage magique et déserte de los Indios.
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